Du Malin Génie de Descartes au Zombie de Cassou-Noguès

par Noëlle Combet

Le Zombie de Cassou-Noguès avec Dick, Wells, Descartes, Husserl, Proust…

Univers parallèles

Dans « Ubik », œuvre de science fiction de Philip K Dick, Joe Chip s’écrie : « si ce monde-ci ne vous plaît pas, allez voir  s’il n’y en a pas d’autres. »

L’ « autre monde » ici évoqué nous concerne selon le philosophe Cassou-Noguès qui dans « Mon Zombie et moi », s’intéresse à « la philosophie comme fiction. »

La fiction en effet, ne serait pas là pour nous consoler de ce monde-ci. Elle en serait un éclairage et un prolongement. Le « possible » qu’elle suggère, même s’il apparaît comme impossible ou pas encore possible dans le champ de nos existences quotidiennes et celui des sciences, s’en rapproche considérablement, en tant que potentialité ou miroir de nos expériences. Le possible de la fiction consiste en nous et interroge sur notre identité dont il décrit des facettes. Pour illustrer l’existence possible de ces univers parallèles, l’auteur emprunte à la mythologie vaudou, la figure du Zombie, c’est-à-dire d’un mort/vivant.

 

La fiction/ fonction du Zombie

L’auteur, dès les premières pages, crée deux fictions mettant en scène le Zombie : d’abord un rêve dans lequel il se voit tenant entre ses mains sa tête séparée de son corps. Ce corps, que la tête, à distance, tente de percevoir, est une première image du Zombie. Ne sachant qu’il « a perdu la tête » – elle se trouve, à un moment donné dans un placard-, il se meut ou est mu dans d’étranges gestes. Dans la deuxième fiction, on assiste à une opération du nerf optique en 2032 : le corps du narrateur est disjoint, la tête sur l’oreiller le tronc dans un fauteuil près du lit, les yeux sur la table de nuit.

Dans l’intervalle de ces deux fictions, l’auteur se démarque de Merleau- Ponty pour lequel « je suis mon corps… Notre corps n’est pas un objet. »

Il questionne ce point de vue en indiquant que la zone d’où se fait la vision, ce sont les yeux en tant qu’ « incarnation minimale » et qui constituent un corps, un corps nouveau par lequel on contemple celui qu’on a laissé allongé sur le lit ou assis dans le fauteuil.

Il montre ensuite comment cette fiction d’un corps non connexe fait écho à une réalité : même si pour voir mon corps en son entier je tapissais tous mes murs de miroirs, je n’obtiendrais que des images fragmentées ou temporellement déliées, des « blancs » dans l’image, ce qui infirme l’idée d’une possible unité.

Il précise ensuite son intention : « Mon but est, par des fictions, de faire varier les situations pour analyser l’expérience de soi et l’être au corps. »

Deux conditions doivent être réalisées pour qu’une fiction entraîne l’adhésion : que l’on puisse s’identifier aux personnages et que ces récits apparaissent dans une écriture ou une énonciation, ce qui appelle la contribution de la main ou de la voix c’est-à-dire une incarnation minimale.

 

Thèmes

Pour introduire les variations des situations et de la pensée offertes par l’imaginaire, l’auteur explore plusieurs fictions rencontrées  principalement dans la littérature.

La nouvelle de Wells, « L’homme invisible », lui permet de définir la limite du possible dans la fiction : l’on peut en effet s’identifier à un homme invisible ; ce serait impossible dans le cas d’un homme intangible ; ce dernier ne pourrait nous toucher sans être touché. Ce thème de l’invisibilité entre en résonnance avec la métaphysique mais aussi avec des thèmes sociaux : l’on peut en effet s’interroger sur  sa propre invisibilité occasionnelle au regard de l’autre, et sur l’invisibilité de certaines catégories sociales, mendiants, immigrés, femmes. Le possible de la fiction rejoint ici celui de notre quotidienneté.

Dans la nouvelle « L’homme doré » de Philip K. Dick, le mutant représente par son regard les possibilités d’anticipation qui font écho aux capacités prévisionnelles liées à l’évolution scientifique. Ici, le possible de la fiction rejoint celui de la science.
Le temps n’est plus que celui du virtuel.

De nombreux récits évoquent la possibilité de « remonter le temps ». Comment ne pas penser aux travaux scientifiques actuels, ceux de Fink en particulier, visant à démontrer la réversibilité du temps ? Déjà, en 1949, Gödel, s’appuyant sur  la théorie de la relativité, démontrait l’existence de modèles d’univers autorisant le voyage dans le temps et permettant à l’observateur de revenir, dans une trajectoire accélérée en n’importe quel point de ce qui est pour lui son passé.

Les nombreuses fictions explorées interrogent aussi sur notre identité : être plusieurs dans le même corps comme le suggère le récit de Robert Louis Stevenson « L’étrange cas du docteur Jekyll et M. Hyde », ou habiter d’autres corps.

Elles questionnent la nature du corps par l’intermédiaire des automates, du corps horloge ou du corps machine.

La  machine, en effet est, comme la personne, une figure du sujet, une façon de nous représenter. Ainsi Sherlock Holmes le détective du roman de Arthur Conan Doyle apparaît-il comme une sorte de mécanique, ce qu’énonce son associé Watson «  Vous êtes vraiment un automate, dit Watson à Holmes, une machine à calculer […] Il y a quelque chose de positivement inhumain en vous. » Le  médecin parle aussi de « machine à raisonner. » Sherlock Holmes, ancêtre de l’ordinateur ?

Voilà qui interroge aussi sur les automatismes qui, dans nos comportements, apparaissent comme une économie de la pensée.

Dans « Le cas remarquable des yeux de Davidson » Wells présente un chimiste qui, à la suite de l’explosion d’un mélange, se trouve habiter deux corps différents : son champ visuel s’est déplacé et il se voit sur une plage du Pacifique alors que son corps, hormis le regard est resté dans son laboratoire dont il peut toucher les objets et il s’étonne de ne pas les voir tandis que ses yeux le conduisent à une immersion dans l’océan. Le voilà incarné dans deux corps : l’un touche sans voir ; l’autre voit sans pouvoir toucher.

Ces fictions, et d’autres encore, conduisent donc à s’interroger sur les perceptions, le temps, la pensée, l’anticipation, l’incarnation, l’identité.

 

A rebours du temps, Dick, Husserl, Descartes, pour une triple lecture de Descartes

Avant d’approcher Descartes, l’auteur rappelle des fictions, en particulier celles de Philip K. Dick, en lesquelles se produit une destruction du monde. Est-il possible qu’un sujet y survive ? Il évoque ensuite, sur un thème analogue, la pensée de Husserl pour qui nos perceptions nous trahissent, nous proposant une fausse image de la réalité. Le monde ne serait qu’illusion et, avertie, la conscience n’en serait pas pour autant endommagée ; observant le chaos, délestée des pièges tendus par l’incarnation, elle subsisterait en tant que résidu : « L’être de la conscience serait modifié si le monde des choses venait à s’anéantir mais il ne serait pas atteint dans sa propre existence. » (« Idées directrices pour une phénoménologie pure »). Il existe donc pour Husserl une conscience pure, à l’écart des sensations trompeuses.

Remontant le fil du temps de Philip K. Dick à Descartes, en passant par Husserl, on voit apparaître déjà, dans les deux premières « Méditations », et dans le « Discours de la Méthode » ce doute quant à la réalité du monde.

 

Mais quoi ce sont des fous…

Descartes, imagine que le monde est une illusion ; comment, dès lors, lui appartenir ? « Je pouvais feindre que je n’avais aucun corps et qu’il n’y avait aucun corps ni aucun lieu où je fusse mais que je ne pouvais pas feindre pour cela que je n’étais point. » (Discours de la Méthode) Dans les deux premières « Méditations », il se présente en train d’écrire et d’observer ce qui l’entoure et se demande si ce ne serait pas folie de nier des évidences sensibles : « Comment est-ce que je pourrais nier que ces mains et ce corps-ci soient à moi ? Si ce n’est que je me compare à ces insensés de qui le cerveau est tellement troublé et offusqué par les noire vapeurs de la bile, qu’ils assurent constamment qu’ils sont des rois lorsqu’ils sont très pauvres ; qu’ils sont vêtus d’or et de pourpre lorsqu’ils sont tout nus : ou s’imaginent être des cruches ou avoir un corps de verre. Mais quoi ? Ce sont des fous, et je ne serais pas moins extravagant si je me réglais sur leurs exemples. » (Méditations métaphysiques)

 

Que faire des rêves ?

Voilà une question qui embarrasse Descartes.  Les rêves sont étranges et pourtant figurent bien des êtres humains avec des pieds, des mains, un corps.

Or, certains éléments de la réalité qui entoure Descartes, même dans l’illusion du rêve, ne peuvent être versés au compte du pur imaginaire. Si le rêve peut créer des images de mains et de pieds, il faut bien que des idées de « corps étendu » ou de nombres aient présidé à ces éléments rêvés. Donc des sciences, la géométrie, l’arithmétique, ayant présidé aux images du rêve seraient indubitables ?

 

Le Malin Génie…

D’où viennent ces idées simples de nombre et d’étendue dès lors que nous ne pouvons penser les avoir créées ? Ne sont-elles pas, elles aussi, douteuses ?

Descartes affirme alors que si nous voulons dégager un fondement assuré pour les sciences, il faut renoncer aux anciennes opinions et faire comme si elles étaient fausses : « J’emploie tous mes moyens à me tromper moi-même, feignant que toutes ces pensées sont fausses et imaginaires. » (Méditations métaphysiques)

Descartes introduit alors l’hypothèse du Malin Génie trompeur et rusé ; selon Descartes il s’emploie à créer des chimères : « Je penserai que […] toutes les choses extérieures que nous voyons ne sont que des illusions et tromperies, dont il se sert pour surprendre ma crédulité. Je me considérerai moi-même comme n’ayant point de mains, point d’yeux, point de chair, point de sang, comme n’ayant aucun sens, mais croyant fermement toutes ces choses. »

Quid alors du sujet dans cette absence du monde ? C’est la question que pose la seconde « Méditation ».

Dans l’hypothèse où rien de ce que je connais, pas même le monde des sciences n’aurait de réalité, le seul fait de penser et de douter m’assure que moi, je suis indépendamment de ces choses : « Je suis, j’existe », ce qui deviendra dans le « Discours de la méthode » : « je pense donc je suis », « je suis une chose vraie et vraiment existante : mais quelle chose ? Je l’ai dit : une chose qui pense ». Dans « chose » il y a une connotation de corps matériel ; nous ne sommes donc pas dans la « pure conscience » husserlienne et nous retrouvons plutôt l’atmosphère de la nouvelle « Ubik » de Philip K. Dick où le personnage principal, Joe Chip vit dans un monde qui recule dans le temps et a, dans le roman, un créateur, Jory. Ce « Malin Génie » qui manœuvre Chip réussit à influencer les rêves qu’il fait dans une sorte de vie brumeuse aux contours flous. Jory agit à partir du monde réel qui devient l’arrière-monde de celui de Chip.

Ce qui rapproche aussi l’atmosphère cartésienne d’une fiction dans les deux premières « Méditations métaphysiques », ce sont ces deux personnages dont se déduit la réalité de la « chose pensante » : le fou (« Mais quoi, ce sont des fous ») et l’homme-machine (« Je me considérais, premièrement, comme ayant un visage, des mains, des bras, et toute cette machine composée d’os et de chair, telle qu’elle paraît en un cadavre, laquelle je désignais par le nom de corps. »).

 

Descartes mis en fiction

Inspiré par « le fou » et l’ « homme-machine », Pierre Cassou-Noguès propose deux autres lectures de Descartes, sous forme de fiction. Il imagine le narrateur comme un personnage et le nomme D. Cette sorte de double de Descartes le présente « assis auprès du feu, vêtu d’une robe de chambre » avec un papier entre les mains. D. est décrit comme un homme d’âge « mûr ». Dans la ville où il vit, il possède une chambre avec fenêtre sur rue et il regarde parfois les passants.

Dans cette « paisible solitude », il médite.

A propos des tours qui, au loin semblent rondes mais sont en réalité carrées, il s’interroge sur les illusions des sens évoquant à ce propos les personnes amputées qui continuent à ressentir leur membre absent. Il évoque ses rêves et leurs étranges compositions, des créatures bizarres constituées des « membres de divers animaux », il les dit semblables à celles qui se présentent à l’esprit des « insensés lorsqu’ils veillent. »

Cela rejaillit sur sa vie éveillée : « Que vois-je de cette fenêtre sinon des chapeaux et des manteaux, qui peuvent couvrir des spectres ou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts ? »

Parlant des « Méditations » qu’il est en train de concevoir, il écrit ; « Ce dessein est pénible et laborieux […] comme si tout à coup j’étais tombé dans une eau très profonde, je suis tellement surpris, que je ne puis ni assurer mes pieds dans le fond, ni nager pour me soutenir au-dessus. »

Tombé dans une sorte de mélancolie, il se demande si  ses rêves sont la réalité ou si celle-ci n’est qu’un rêve. D. s’interroge alors, comme un personnage de Dick, qu’un Malin Génie s’attache à tromper. Mais dans un roman de Dick, il partirait à la recherche du Malin Génie.

Pour échapper au sentiment de « folie » qui le traverse, D. fonde une métaphysique : il écarte l’hypothèse du Malin Génie, accepte les évidences des sciences dans la mesure où elles sont fondées sur des idées claires et distinctes et aussi les sensations puisqu’il a une tendance si grande à leur faire crédit, que Dieu ne la lui aurait pas donnée si le monde sensible n’avait pas de réalité. Voici D. revenu à lui dans le monde réel.

 

Folie/fiction

Cassou- Noguès rappelle la controverse de Foucault et Derrida quant à la folie, ou non, de la première Méditation. Pour Foucault qui s’appuie sur le « Mais quoi, ce sont des fous », la raison s’affirme par exclusion de la folie. Pour Derrida, raison et folie s’interpénètrent et la folie est, dans le texte cartésien, l’origine et le contour de la raison. Les deux philosophes sont en accord sur un point : la pure folie serait le silence, « la parole soufflée » (Derrida : Cogito et histoire de la folie). La pure folie ne rentre pas dans le langage.

Dans le climat de cette folie/fiction, Pierre Cassou-Noguès tente une troisième approche des « Méditations », une sorte de fiction dans la fiction ; il imagine comme cela apparaît dans plusieurs œuvres contemporaines (on peut évoquer ici « Six personnages en quête d’auteur » de Pirandello) que les personnages d’une fiction puissent avoir une vie indépendante de leur créateur.

D devient alors une sorte de double fictif de Descartes et, comme lui, rencontre la question de la tromperie et l’image du Malin Génie. On peut même imaginer qu’il  tient une sorte de journal personnel de cette expérience. Il faudrait alors se représenter le Malin Génie comme une sorte d’esprit de la fiction, donnant une réalité au personnage, ici D., comme à son environnement. Ce serait un « opérateur de la fiction » : Il « aurait formé le monde qui l’entoure et les opinions mêmes que D tient pour siennes, à côté du monde réel et de la vérité ». Lecteur de ces pages, l’on en vient à ressentir une sorte de vertige comme devant des images en abîmes.

 

Autre vertigineuse fiction : « Le temps retrouvé » dans les boucles temporelles de Gödel

Au terme de sa « Recherche », dans le dernier chapitre du « Temps retrouvé », Marcel Proust prend la résolution de réécrire son œuvre et il fait défiler les thèmes et  les personnages à concevoir dans le cadre de cette répétition. Impossible, souligne Pierre Cassou-Noguès : de même qu’au terme d’une phrase prononcée, nous sommes devenu autre, le début correspondant déjà à notre passé, de même une œuvre ne pourrait s’écrire à nouveau qu’au passé antérieur et non au présent ; ce ne serait donc plus la même…

Quoique…quoique…avec les boucles temporelles de Gödel, du possible apparaît.

Pour nous le faire envisager, Pierre Cassou- Noguès imagine un éditeur auquel un écrivain téléphone en décembre 2308 pour lui proposer un manuscrit.  Il lui donne rendez-vous le 1er janvier à 9 heures sur un aérodrome privé de la région parisienne. A l’heure fixée, une navette spatio-temporelle atterrit et Marcel tend son manuscrit à l’éditeur en disant qu’il doit repartir au plus vite pour reprendre l’écriture de ce manuscrit. L’éditeur répond qu’il préfère attendre la version définitive mais Marcel rétorque que c’est la version définitive…et il repart de façon précipitée.

Il se dirige vers la lune mais le 1er avril, son vaisseau fait un demi-tour dans le temps ; il poursuit sa route dans l’espace mais à rebours du temps ; il passe derrière la lune le 1er janvier 2309 et se dirige à nouveau vers la terre. Entre la lune et la terre, le 1er octobre 2308 un nouveau demi-tour temporel lui permet de revenir à terre le 1er janvier 2309 à 9 heures exactement. L’aller et retour dure un an mais le ramène à l’aérodrome le jour où il a décollé et Marcel passe toute sa vie sur cette boucle à écrire le même roman. L’éditeur ne rencontre Marcel qu’une fois tandis que celui-ci le retrouve chaque année de sa vie.

Cette fiction n’est pas la dernière évoquée dans l’ouvrage de Pierre Cassou-Noguès mais elle est cependant ultime puisque l’auteur, reprenant l’image initiale d’un corps non connexe écrit dans ses dernières lignes : « La fiction, en tant qu’elle est écrite, et se développe libre de la contrainte qu’exercerait une raison préalable, est un travail de la main, détachée de la tête. De l’autre côté la méta-fiction, qui doit dégager une philosophie de ces fictions, est le travail de la tête, de la raison qui observe ce que la main écrit. La tête peut-elle parler pour elle-même ? Ou doit-elle rester silencieuse, invisible – cachée au fond d’un placard en quelque sorte ? Ou est-ce seulement l’autre main qui se prend pour une tête ? Il me faudrait revenir au début et me demander à nouveau où je suis ». Fin proustienne donc.

 

Méta-fiction

Ce mot qui conclut la recherche de Pierre Cassou-Noguès, il le met en question dans la mesure où il lui donne une signification nouvelle qui le conduit à en interroger les rapports avec la philosophie. Il indique deux directions, entre lesquelles, écrit-il, il ne parvient pas à choisir :

– Le discours du philosophe, en tant qu’il s’inscrit dans le champ de la raison serait hétérogène à celui de la fiction.

– La raison philosophique travaillerait à la fois sur et dans la fiction. Son discours alors serait lui-même une sorte de fiction.

Si l’on considère ce discours comme ne se détachant pas de la fiction, on peut douter de la nécessité de faire intervenir un discours de philosophe à côté des fictions explicites sur lesquelles il s’appuie. On peut penser que le sous-titre « La philosophie comme fiction » exprime sinon un choix, du moins un tropisme qui paraît exclure la première option. Il semble bien que le philosophe ait réalisé là une tentative pour découronner la philosophie de la conscience.

 

Husserl déconstruit

Il adopte l’idée de Husserl, pour qui l’analyse philosophique doit « dégager l’essence de l’expérience essence qui représente le noyau stable dans toute variation imaginable. »

Mais il insiste sur ce que l’on pourrait considérer comme une déconstruction à la manière de Derrida car, reprenant cette analyse de Husserl, il ajoute que « cette imagination qui déploie le possible et fixe alors l’essence, ne se fait pas dans le for intérieur du sujet mais dans la fiction narrative, dans des histoires racontées » dont on aura noté en refermant le livre, qu’elles sont en général empruntées au champ littéraire.

C’est ancré dans ce champ qu’il peut se démarquer de Husserl (selon lequel existerait une conscience pure), tout en utilisant l’idée husserlienne de variation imaginaire pour démontrer que les concepts d’identité et de conscience pourraient n’être que fables, entreprise qui fut déjà, notons le, celle de Levis Carroll dans son inénarrable « Alice au pays des merveilles. »

C’est une philosophie par la fiction et particulièrement par la fiction littéraire (Poe, Maupassant, Dick, Wells) qui nous est là proposée dans un déploiement de la pensée avec l’imaginaire, ce que Pierre Cassou-Noguès nomme lui-même « une phénoménologie médiatisée par la fiction, une quasi-phénoménologie. »

N.C.