deux poèmes de
Noëlle Combet
Ravage (2001)
Non ! Je n’en dirai pas mot
de ce dernier convoi
inscrit dans mon regard
effaré et muet.
Il n’a tenu qu’à un fil
de quelques heures…de vie.
Maintenant le temps n’est plus
de trop avoir été.
Rien n’en sera par moi prononcé.
Si elle, ma mère, s’est serrée contre lui pour
encore
un peu de chaleur ?
Fouette, cocher, je ne peux pas savoir.
S’ils ont griffé leur panique
sur les murs
ou sur leur peau…
juste avant que d’autres
coupent le courant
des fils du désespoir
juste avant que le four explose…
ou juste après ?
Fouette, cocher, je ne peux pas, je ne veux pas
en dire…
La douleur en est mienne.
Je la veux ossuaire,
jouissance blanche
déployée infiniment
vierge de mots
de leur trouée déchirante
de leur silhouette sombre.
Je me veux orpheline du verbe,
enclose dans l’ordre silencieux,
ma cathédrale d’abandon.
S’il y a là terreur
aux abords de la mort ?
Que bien pire est la mort des mots ?
S’il y a là honte occulte
d’une origine ?
Fouette, cocher ! Nul n’en peut rien
savoir.
Je cultive en moi mes images
jouets mécaniques et musique stridente
Et quand je remue la tête
C’est la crécelle du souvenir congédié.
Il n’y a pas de mot.
Que d’autres attendent
Une parole mienne
Sur cet égarement de la mémoire
Qui ne peut s’oublier ?
Fouette, cocher ! Une part de moi est déjà
au milieu des ombres.
Que l’un d’eux disait « l’écriture ou la vie »,
Alors qu’un jour, peut-être ?
Le ciel est plombé.
Tais-toi, nocher.
N.C.
D’ailleurs.
Debout et recueillie
Inclinée
En son visage clos
Femme grise, grisée
De quelle ivresse blanche
De mots perdus
Et poursuivis
Esquisse
Qui est-ce ?
Sur quel esquif déjà ?
Quel bateau de papier ?
Tellement loin dedans
Qu’on pourrait dire, aussi bien, dehors
Très loin en son absence
Et si l’on croise
Ses mots d’ici
Et leur présence d’ambre,
En même temps l’on sait
Qu’elle est d’abord d’ailleurs.
N.C.