Les liens entre la psychanalyse et le judaïsme ont été largement étudiés. Certes Freud est juif et même s’il a eu recours aussi fondamentalement à des figures du monde grec, son œuvre ne s’en situe pas moins entre Œdipe et Moïse.
Ce n’est pas de religion que nous parlons ici, car Freud était athée, mais d’un état d’esprit. Certes dans le déploiement de son œuvre essentiellement de décryptage et d’interprétation, Freud a écouté et analysé les paroles des patients comme un corpus à étudier largement et finement, à la lettre, dans la parole patente et latente de chacun. Mais en-deçà ou au-delà, Freud ne s’est pas contenté d’écouter l’implicite, le caché. Dans et avec sa découverte de l’Inconscient, il en est venu à donner un statut majeur à ce qui dans le discours ne comptait pas ou n’avait pas de sérieuse valeur de sens : la répétition, le rêve, mais aussi, le lapsus, l’acte manqué, le mot d’esprit. Autant d’éléments qui jusque là étaient considérés si on peut dire, comme des « déchets » du discours médical, philosophique, littéraire, psychologique… Autant d’éléments écartés du sens. Des erreurs, des « poubelles » (l’expression est de P.H. Castel) du discours, il a démontré la mine de signification, à l’image éloquente de l’iceberg.
Celui qui s’aventure dans l’étude de la Tora et de la Mystique juive de la Kabbale, s’engage dans les découvertes des niveaux d’écriture, mais aussi dans celle des petits détails à peine visibles parfois qui font de grosses différences : permutations de lettres, allitérations, déformations, répétitions de récits qui n’en sont pas tout à fait, accentuations suggérées dans la prononciation, surnoms ou changements de noms, récits répétés d’événements, qui sont autant de préfigurations du lapsus, de l’acte manqué, du mot d’esprit. Jeux de mots et plaisanteries… Et bien sûr la place majeure donnée au rêve.
On lit dans un passage fondamental du Zohar (tome 1 – Préliminaires 2B page 36 de la traduction Mopsik chez Verdier) où on apprend que le Créateur veut créer son Monde, que c’est avec des lettres qu’il va opérer son Œuvre : « …En effet, quand le Saint, béni soit-Il, voulu créer le monde, les lettres étaient encloses. Et pendant les deux mille ans qui précédèrent la création, Il les contemplait et jouait avec elles ». A la lecture de ce passage, s’est éclairé pour moi à quel point en créant la Psychanalyse Freud était en écho : « la psychanalyse était enclose dans la Tora », et il se trouve que Freud a trouvé une clé pour la faire apparaître ! Freud serait comme porteur d’une double imprégnation qui le rendrait d’une part sensible et conscient de l’importance du caché et de l’invisible, et d’autre part apte à interpréter un corpus à la manière de ceux qui étudient la Tora. Ce serait là l’impalpable d’une transmission…
P.P. (photo P.G. : « Traités des Pères » illustré par Alain Kleinmann éditions A.M.I. 2008).
Entretiens avec Juliette Wolf, que je remercie d’avoir prêté attention à mon propos, et d’avoir accepté de contribuer au tournage des vidéos ci-dessous…
Versions courtes (extraits)
La psychanalyse était enclose dans la Tora 1 – extraits
La psychanalyse était enclose dans la Tora 2 – extraits
Versions longues (intégrales)
La psychanalyse était enclose dans la Tora 1 – intégral
La psychanalyse était enclose dans la Tora 2 – intégral