Huile sur toile – 90 x 130 cm – 2013
J’ai pensé à Paltiel Kossover dans le Testament d’un poète juif assassiné d’Elie Wiesel ou à la scène finale du Procès de Kafka avec les deux exécutants de la sentence de mort prononcée contre Joseph K. Dans le livre de Wiesel, les bureaucrates staliniens qui ont décidé la mise à mort du poète juif sont les serviteurs d’un système jugé aussi infaillible que bienveillant, ils acceptent de plein gré et presque avec bonne humeur les tâches les plus ingrates qui leur sont confiées. Comme si l’idée totalitaire au fond dissimulait son immense pouvoir criminel dans l’incontestable expression de la « fraternité universelle ». Qui aurait la folie de s’opposer au bonheur collectif de l’humanité ? Le bourreau est le gentleman de la quatrième cave, le seul à ne pas avoir délibéré sur la condamnation à mort et qui permet de la sorte à l’illusion fraternelle de se recomposer, ailleurs ou plus tard. La Justice partage sans doute avec le communisme en guerre contre toutes les hérésies ce même souci de la main immaculée. Et c’est pourquoi le gentleman de la quatrième cave me semble le proche voisin des exécuteurs de K dans le Procès de Kafka. La sentence a été transmise à des bourreaux qui ignorent tout des fautes et des délits du condamné. D’une certaine manière, les tueurs qui exercent pourtant l’ultime violence, les gémeaux invertis chez Kafka, le gentleman qui pointe son arme sur le poète chez Wiesel, sont innocentés par leur ignorance. Innocentés et presque anoblis par la grande cause qui les arme, la Justice, le Procès d’un côté, la cause universelle de la classe ouvrière exploitée de l’autre. Le tortionnaire du tableau est un homme à la fois très visible et curieusement grotesque ou inconsistant, malgré l’arme qui scintille comme un jouet sur son ventre et son bizarre chapeau de cow-boy…
C.C.