Huile sur toile – 136 x 90 cm – 2017
Quand Marx parle de révolution, il en donne l’image d’une locomotive tirant le train de l’histoire vers l’avant. A ses yeux, le grand renversement communiste est semblable à une énorme motrice qui conduit l’humanité sur la voie enfin libre et consciente du progrès. Une fois débarrassée de ses aliénations, de ses esclavages, de son immaturité technique, l’humanité parcourra à grande vitesse le chemin de l’émancipation, elle se libèrera de ses dernières chaînes spirituelles, elle sera, à l’instar de la locomotive lancée à vive allure sur les rails de la liberté, l’égale de Dieu. Quand Walter Benjamin écrit ses thèses sur le concept d’Histoire, sans doute peu avant sa mort à Port-Bou en 1940, par suicide ou crise cardiaque, sa vision de la révolution est radicalement antithétique de celle, optimiste et confiante, de Marx. L’alliance du prolétariat et de la technique qui fondait la conception marxiste du progrès est à l’aube de la seconde guerre mondiale anéantie. Dans ses thèses sur le concept d’Histoire, Benjamin nous parle de l’Angelus Novus de Klee : Il existe un tableau de Klee qui s’intitule Angelus Novus.
Il représente un ange qui semble avoir dessein de s’éloigner de ce à quoi son regard semble rivé. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées.Tel est l’aspect que doit avoir nécessairement l’ange de l’histoire. Il a le visage tourné vers le passé. Où paraît devant nous une suite d’événements, il ne voit qu’une seule et unique catastrophe, qui ne cesse d’amonceler ruines sur ruines et les jette à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler les vaincus. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si forte que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse incessamment vers l’avenir auquel il tourne le dos, cependant que jusqu’au ciel devant lui s’accumulent les ruines. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès. Aussi comprenons-nous mieux que dans un des multiples fragments épars de son œuvre inachevée, Benjamin, tout en reprenant la métaphore marxienne de la locomotive, imagine la révolution comme le signal d’alarme que tire l’humanité embarquée dans un train roulant à grande vitesse.
C.C.