par Emmanuel L.
Nous allons lire la parasha Noa’h, qui est la deuxième parasha du livre de la Genèse
Dieu trouvait que les hommes avaient perverti la terre. Il dit alors à Noé qu’il allait faire le déluge et lui fit construire une arche, dans laquelle il emmènerait sa famille ainsi que 7 couples d’animaux purs, 2 d’animaux impurs et 7 d’oiseaux.
La montée des eaux dura 150 jours puis Dieu se souvint de Noé. Noé lâcha un corbeau pour savoir si les eaux avaient baissé. Le corbeau revint, il lança ensuite une colombe. La première fois, elle revint ; la deuxième fois, elle rapporta une feuille d’olivier dans son bec ; la troisième fois, elle ne revint pas. Noé en conclut que l’eau s’était retirée. Dieu parla alors à Noé et établit avec lui une alliance, par laquelle Il promit de ne plus chercher à anéantir ni les hommes ni les animaux.
Noé planta une vigne, bu le vin qu’elle produisait et s’enivra et se mit à nu. Son fils Cham, père de Canaan le vit et alla prévenir ses frères, Sem et Japhet. Ses frères marchèrent à reculons et couvrirent la nudité de leur père. Quand Noé fut dessaoulé il maudit Canaan. Noé mourut.
Plus tard, quand la terre fut repeuplée, des hommes eurent l’idée de construire une tour qui atteindrait le ciel. Dieu comprit alors que rien n’arrêterai les hommes s’ils se comprenaient. Dieu mélangea alors tous les langages.
Dans cette parasha, je me suis intéressé au sort des animaux.
En effet, pourquoi tuer les animaux dans le déluge, alors que c’est uniquement par les hommes que l’Eternel est déçu ?
Dieu aurait pu, par exemple, tuer tous les hommes en utilisant les foudres, et épargner ainsi les animaux.
Les animaux ont-ils eux aussi mérité, comme les hommes, d’être détruits ?
Il semblerait que oui puisque : « Dieu considéra que la terre était corrompue, toute créature ayant perverti sa voie sur la terre »[1]
Les animaux étaient-ils aussi mauvais que les hommes ou est-ce à cause d’eux qu’ils ont été détruits ?
Les animaux ont été créés pour l’homme (« commandez aux poissons de la mer, aux oiseaux du ciel, à tout ce qui se meut sur la terre »[2]), on pourrait en déduire que si l’homme est détruit, les animaux ne servent plus à rien, et donc doivent être détruits également.
Certains animaux échappent pourtant au projet divin de destruction : il s’agit des animaux marins, et notamment des poissons, qui ne sont pas mentionnés lorsque Dieu précise ce que le déluge détruira : « Et l’Eternel dit : « J’effacerai l’homme – que j’ai créé – de dessus la face de la terre ; depuis l’homme jusqu’à la brute, jusqu’à l’insecte, jusqu’à l’oiseau du ciel, car je regrette de les avoir faits. »[3]
Avant même de sauver Noé, Dieu ne regrette pas d’avoir créé les poissons.
Comment comprendre cela ? Est-ce tout simplement parce que Dieu préférait les poissons aux autres créatures ? Ou que dans Sa colère Il les a oubliés ?
Ou est-ce parce que seuls les animaux vivants sur la terre étaient corrompus, et donc pas ceux vivants dans la mer ? Ou est-ce que, ne respirant pas, pas d’air en tout cas, les animaux marins n’ont pas été contaminés par le monde des hommes qu’ils ne partagent pas ?
Il se pourrait que Dieu n’ait pas tué les poissons car les poissons sont les seuls animaux uniquement aquatiques.
Dans beaucoup de cultures, le souffle représente l’âme. Mais pour pouvoir souffler, il faut expirer de l’air, or les animaux aquatiques expirent de l’eau. Ils ne peuvent pas souffler et n’auraient donc pas d’âme. Ils seraient donc « à part » par rapport aux autres animaux, comme étrangers à la corruption des hommes. Dieu pensait donc peut-être qu’il n’était pas nécessaire d’anéantir le monde aquatique.
Il me semble que si Dieu n’a pas détruit les poissons, c’est parce que – avant même de sauver Noé – Il n’avait en fait déjà pas véritablement l’intention de détruire la Création.
Toute vie sur terre provient du monde aquatique. En ne détruisant pas les poissons, Dieu assurait donc comme la possibilité que les êtres vivants se développent à nouveau.
Mais l’homme n’est pas complètement détruit puisque Noé trouve grâce aux yeux de l’Eternel… L’Eternel sauvant un « échantillon » d’homme, il sauve également un « échantillon » d’animaux. Comme pour redonner, avec les mêmes éléments de départ, une seconde chance à l’humanité.
Cet « échantillon », ce sont les 7 couples d’animaux purs, 2 d’animaux impurs et 7 d’oiseaux[4] que Noé emmène dans l’Arche.
La distinction entre animaux purs et impurs apparaît ici pour la première fois dans la Torah. Au moment des déluges, les hommes pourtant n’ont le droit de manger que des végétaux : « je vous accorde tout herbage portant graine, sur toute la face de la terre, et tout arbre portant des fruits […]. Ils serviront à votre nourriture. » (Genèse, 1 : 29). Cela présumerait que la distinction entre animaux purs et impurs dans la parasha Noa’h ne correspond pas à des règles de casherouth puisque ces règles ne seront données que bien plus tard dans la Torah.
Alors à quoi correspond-elle ? S’agit-il d’une différenciation entre des animaux particulièrement corrompus et d’autres qui ne le seraient pas, ou moins ?
Pourquoi d’ailleurs emmener des animaux « impurs », si justement ils sont impurs ? Noé emmènerait des représentants de toutes les espèces, pures et impures, car toutes sont des créations de Dieu. En emmenant les animaux dans l’arche, le but est de pouvoir repeupler la terre après le déluge : la repeupler à « l’identique » – et donc également avec les animaux désignés comme « impurs ».
Une autre raison pourrait être que la distinction entre un animal pur et impur correspondrait au fait qu’un animal fasse peur ou pas. Dieu aurait alors demandé à Noé d’emporter des animaux impurs pour limiter nos ambitions à cause de la peur. Mais visiblement, cela n’a pas marché puisque les hommes ont construit « La tour de Babel »…
Pour Rabbi Shlomo ben Itzhak HaTzarfati (Rashi), la précision « De tout animal pur » signifie « qui sera pur pour Israël ».
Comme si était déjà en germe dans la parasha Noa’h l’idée d’un peuple pour lequel la distinction pur/impur aura un sens. Comme si la vocation à la sainteté des enfants d’Israël, sa « séparation » au sens étymologique de kaddosh, était déjà présente dans la parasha No’ah…
Alors qu’à une première lecture le déluge semble confondre l’ensemble de la création en un seul tout, comme revenant au chaos des origines, on voit que le principe de séparation qui était à l’œuvre dans la création se trouve également dans le projet de destruction. Comme si, bien que regrettant ce qu’est devenue la création, Dieu ne pouvait pas se résoudre à l’anéantir et lui donnait une deuxième chance dans le moment même où Il comptait tout détruire.
La reconstruction ne se fait peut-être pas tout à fait à l’identique. Elle introduit une distinction supplémentaire, celle entre pur et impur, comme incluant déjà le projet d’un groupe différencié, pour lequel sera effective cette séparation entre pur et impur. Ce groupe, ce sont les Hébreux, dont le 1er patriarche, Abraham, est précisément introduit à la fin de la parsasha Noa’h.
Abraham est le premier juif, de nombreuses générations se sont succédées jusqu’à la mienne. Pour moi continuer à être juif, c’est respecter les dix commandements et approfondir ma connaissance du judaïsme.
Je tiens à remercier tout particulièrement : mes professeurs du talmud torah, mes professeurs qui m’ont aidé dans la préparation de ma bar-mitsvah, Alexandra, Philippe et Denise ; le rabbin Yann Boissière ; mes grands parents ; mes parents pour tout ce qu’ils ont fait pour moi jusqu’à aujourd’hui et vous tous d’être venus à ma bar-mitsva.
E.L. le 25 octobre 2014
[1] Genèse, 6 :12
[2] Genèse 1 :28
[3] Genèse, 6 : 7
[4] Genèse, 7 : 2