Commentaire
par Raphaël Kleinmann
Nous présentons à nos lecteurs le texte d’un commentaire de Raphaël Kleinmann, écrit à l’occasion de sa Bar Mitsva en janvier 2014. La Bar Mitsva est la cérémonie d’entrée, à l’âge de treize ans, du jeune homme dans la communauté des adultes, reconnaissance de sa connaissance et de son respect des prescriptions et commandements. On pourra y voir que loin d’être envisagée comme une froide contrainte, la Loi peut se vivre dans l’inspiration et de ce fait elle n’exclut pas la grâce, au contraire.
Le lecteur en jugera. Il appréciera également le degré de réflexion symbolique ainsi que le niveau de maturité « sociale », voire « politique », de notre jeune auteur.
Je voudrais, comme le veut la coutume, marquer mon entrée dans le monde des mitzvot par une courte parole de Torah, une réflexion inspirée de la lecture de cette Paracha.
Celle-ci s’ouvre par les mots suivants : «Véhélé hamichpatim achére tassime lifnéheme »
«Et voici les lois que tu placeras devant eux (paroles de Dieu à Moïse)». Les michpatim sont des règles, des lois dites sociales, rationnelles, qui concernent les relations entre l’homme et son prochain. Alors que les h’oukim sont des décrets divins qui ne sont pas forcément compréhensibles par l’homme.
Notre paracha va donc essentiellement traiter des règles concernant le commerce, les dommages, le prêt et la charité.
Rachi fait remarquer que cette sidra est directement reliée à celle qui la précède : « Yitro » (Jethro), par un vav de coordination et voici les lois. C’est pour nous apprendre, dit-il, qu’il faut voir dans ces lois une origine divine autant que pour les mitzvot données dans les dix commandements. Elles ne sont pas simplement des règles humaines logiques qui sont obligatoires pour assurer une vie harmonieuse, mais des règles données par D.ieu qu’il nous faut observer au même titre et de la même façon qu’un h’ouk, une loi irrationnelle, pour en assumer la vérité et la pérennité.
Les commentateurs font remarquer qu’elles sont juxtaposées aux règles qui concernent la fabrication du Michkan (de l’autel) , pour indiquer que le tribunal devait siéger dans une salle attenante au Michkan ou au Beth Hamikdach, et nous signifier que rendre la justice et vivre selon les préceptes de droiture et d’éthique morale équivaut à prodiguer le service divin qui consiste à offrir des sacrifices. Les lois « humaines et sociales » sont donc à placer à priori au même niveau que celles qui gèrent le rapport qu’a l’homme avec D.ieu.
Mais le Ktav Sofer, commentateur du XIXème siècle va plus loin. Il explique que le mot lifenéhem (devant eux) qui termine le premier verset de la paracha ne veut pas seulement dire qu’il faut clairement indiquer à chacun les règles et les préceptes qui permettent de vivre ensemble, de garantir un équilibre social ou de gérer les conflits, mais aussi que lifenéhem peut vouloir dire qu’il faut placer ces lois devant, avant les mitzvot, les h’oukim énoncés dans la paracha précédente, qui sont celles concernant l’homme et D.ieu. Cela signifie qu’afin d’avoir une relation avec Lui, l’objectif principal d’un juif sur terre est d’avoir un comportement irréprochable vis-à-vis de son prochain donc, de respecter les lois.
Souvent nous avons tendance à insister dans nos efforts sur les mitzvot de l’homme envers D.ieu en les pratiquant avec précision, rigueur et dépassement de soi, mais malheureusement nous négligeons les détails et les finesses des mitzvot de l’homme envers son prochain.
Le Ktav Sofer précise que l’étude de la Torah d’une personne qui n’aurait pas un comportement convenable envers son prochain pourrait perdre de sa valeur. Il apparaît à la lumière de ce commentaire qu’il ne s’agisse pas seulement d’une équivalence de l’axe horizontal reliant les hommes entre eux et de l’axe vertical reliant ces derniers avec D.ieu, mais qu’il semble exister une priorité donnée au travail des dimensions intérieures, à la relation de l’homme vers/avec son prochain afin d’accéder à une relation authentique avec D.ieu.
Celui-ci nous demande d’insister sur le respect, la considération, la sensibilité que nous devons à l’autre, à la vraie place que nous devons donner à un voisin, un collègue, un élève, un parent, un enfant, un maître. Je souhaite arriver à m’investir dans ce travail des dimensions intérieures…
R.K.
Ce travail est inspiré par le Rav Wolf et le livre du Rav Bendrihem : «Ciel et Essentiel».
Glossaire :
Torah : la Bible (les 5 livres de Moïse également appelés H’oumach)
Paracha : division de la Torah (liée à chaque semaine)
Rav : maître, rabbin
Mitsva (pluriel : Mitsvot) : commandement (s)
H’ouk (pluriel : H’oukim) : commandement(s) sans explication rationnelle
Michpat (pluriel : Michpatim) : commandements (s) ayant une explication rationnelle
Beit Hamikdach : Temple
Michkan : Autel
Sidra : la paracha et ses commentaires
Vav : lettre de l’alphabet hébraïque équivalent du « v » français