L’arche commune

Huile sur toile – 210 x 120 cm – 2012

J’ai songé en faisant ce tableau aux magnifiques mots de Philip Roth qui concluent son roman « J’ai épousé un communiste » :

On voit l’inconcevable : l’absence d’antagonisme, spectacle colossal. On voit de ses propres yeux le vaste cerveau du temps, galaxie de feu qu’aucune main humaine jamais n’alluma.

On ne saurait se passer des étoiles. On ne saurait se passer des étoiles et le spectacle de la voûte céleste n’a pas pali parce que nous en savons plus sur la composition des étoiles, sur les amas de galaxies, sur la nature absolument fantaisiste des constellations. L’astrophysicien n’a pas éteint l’œil admiratif du petit homme. Tout comme l’on peut déshabiter le Ciel de ses  créatures ailées, de ses anges, de sa présence divine, sans entamer en quoi que ce soit l’inimaginable beauté de l’arche étoilée. Le bras du bon berger est coupé, et la terre est remplie d’ossements humains qui n’espèrent plus leur grand réveil, mais nous restons tous logés, à un moment ou à un autre de nos vies, à l’auberge de la Grande Ourse, le plus vaste et sublime abri que tous les hommes, comme le dit Roth, peuvent admirer sans l’avoir d’aucune manière conçu ou fabriqué.
C.C.

Le signal d’alarme

Huile sur toile – 136 x 90 cm – 2017

Quand Marx parle de révolution, il en donne l’image d’une locomotive tirant le train de l’histoire vers l’avant. A ses yeux, le grand renversement communiste est semblable à une énorme motrice qui conduit l’humanité sur la voie enfin libre et consciente du progrès. Une fois débarrassée de ses aliénations, de ses esclavages, de son immaturité technique, l’humanité parcourra à grande vitesse le chemin de l’émancipation, elle se libèrera de ses dernières chaînes spirituelles, elle sera, à l’instar de la locomotive lancée à vive allure sur les rails de la liberté, l’égale de Dieu. Quand Walter Benjamin écrit ses thèses sur le concept d’Histoire, sans doute peu avant sa mort à Port-Bou en 1940, par suicide ou crise cardiaque, sa vision de la révolution est radicalement antithétique de celle, optimiste et confiante, de Marx. L’alliance du prolétariat et de la technique qui fondait la conception marxiste du progrès est à l’aube de la seconde guerre mondiale anéantie. Dans ses thèses sur le concept d’Histoire, Benjamin nous parle de l’Angelus Novus de Klee : Il existe un tableau de Klee qui s’intitule Angelus Novus.

Il représente un ange qui semble avoir dessein de s’éloigner de ce à quoi son regard semble rivé. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées.Tel est l’aspect que doit avoir nécessairement l’ange de l’histoire. Il a le visage tourné vers le passé. Où paraît devant nous une suite d’événements, il ne voit qu’une seule et unique catastrophe, qui ne cesse d’amonceler ruines sur ruines et les jette à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler les vaincus. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si forte que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse incessamment vers l’avenir auquel il tourne le dos, cependant que jusqu’au ciel devant lui s’accumulent les ruines. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès. Aussi comprenons-nous mieux que dans un des multiples fragments épars de son œuvre inachevée, Benjamin, tout en reprenant la métaphore marxienne de la locomotive, imagine la révolution  comme le signal d’alarme que tire l’humanité embarquée dans un train roulant à grande vitesse.
C.C.

La pendaison de Zavis Kalandra

Huile sur toile – 136 x 90 cm – 2014

En 1950, le surréaliste tchèque est condamné à mort. Il était sur le banc des accusés avec Milada Korakova, qui a refusé de plier devant le coup de force du parti communiste en 1948.

Paul Eluard rejette la demande d’André Breton d’intervenir en faveur de Kalandra, arguant qu’il y a suffisamment de vrais innocents à défendre pour ne pas perdre le temps de se préoccuper du sort des faux…

 Závis Kalandra sera pendu avec Milada Horakova en Juin 1950. Bien plus tard, après les multiples soubresauts politiques que connut la Tchécoslovaquie communiste et l’écrasement du printemps de Prague par les forces du pacte de Varsovie, Milan Kundera reviendra sur l’attitude de Paul Eluard et attachera à l’hymne en faveur de la liberté du poète le boulet de l’aveuglement idéologique. Les chaînes de la méchanceté partisane traînent aux pieds du grand homme. Encadrant une multitude de visages multicolores et que l’on devine joyeux, comme dans les liesses populaires où la foule montre un visage débonnaire et enfantin, quatre personnages allégoriques de l’harmonie collective se tiennent la main comme dans la danse de Matisse. Mais au cœur du tableau, à peine visible, se tient le gibet au bout duquel se balance la silhouette inanimée de Kalandra. Ce minuscule gibet condamne l’allégresse de tous.
C.C.

Le grand œil

Huile sur toile – 220 x 180 cm – 2018

Nous avons découvert l’étendue des écoutes de nos conversations téléphoniques, de nos mails, de nos SMS par les révélations d’Edward Snowden. La NSA enregistre à leur insu des milliards de données sur les citoyens du monde, sans négliger celles des propres alliés de l’Amérique. Cela nous a offensés et irrités : être ainsi l’objet d’une inquisition monumentale qui agit en secret, comme une tentaculaire mafia, sans aucun identifiant idéologique ou politique. Cela nous a mis en colère et les dirigeants de nos pays aussi qui ont vivement protesté auprès de Monsieur Obama, la figure dominante du monde libre. Cependant, comment ne pas se sentir fier d’être élevé par ces écoutes secrètes à la dignité d’un agent trouble, d’un potentiel détenteur d’informations explosives capables de mettre en danger l’Occident. La phrase très banale : « Chéri, monte-moi les bigoudis, je les ai laissés dans la grande boîte du salon » se charge d’une menace inattendue et excitante contre les puissants . La blague sur un copain que l’on a très innocemment surnommé Geronimo fait vibrer la grande oreille de la NSA, car Geronimo était le nom de code de Ben Laden. Ou un SMS de footeux du type : l’Atletico va battre le Real, je répète, l’Atletico va battre le Real, sonne comme un dangereux slogan anti-américain.

Au fond, la NSA nous a tous renvoyés à l’époque de la guerre froide. En ce temps là, il était vraiment difficile, contrairement à aujourd’hui d’être un non aligné, du moins en Europe. On était soit du côté du monde libre et de la bannière étoilée, soit du côté des cocos de la faucille et du marteau. Ou du moins, si l’on ne l’était pas entièrement, on l’était en proportion variable, on avait plus ou moins de sympathie pour l’un ou l’autre champion, enfin on ne pouvait pas être neutre comme un Helvète ou indifférent comme un Papou. Si l’on avouait notre préférence, on tombait en disgrâce définitive chez les concurrents, on devenait un ennemi de classe ou de la liberté, et si on restait coi, notre silence était la preuve d’une inavouable inclination pour l’un ou l’autre. Et on était alors un suspect. Le monde avait la simplicité spatiale d’un ring de boxe. Tout de rouge vêtu, venu de la lointaine Georgie, mesdames et messieurs, veuillez ovationner Marcus Leninus Stalino, le plus extraordinaire bouffeur de capitalistes de la planète ! En face, dans son peignoir en satin couvert d’étoiles blanches sur fond bleu, faites un triomphe à Sam Mac Arthy I, le boxeur qui a mis KO tant de cocos ! Quel match, mesdames et messieurs et nous vous promettons pour demain soir un autre événement extraordinaire : USA-URSS en hockey sur glace.

Pendant la guerre froide, l’espionnage était infiniment plus pertinent que la philosophie politique, il fallait avoir un coup d’avance aux échecs et ce coup d’avance, on le devait à un travail ardu, intense, rigoureux, obsessionnel de taupe. On infiltrait et on exfiltrait à tours de bras, continûment ; les agents doubles, triples et même quadruples, buvaient des quantités astronomiques de vodka et de coca-cola. Et on écoutait tout, on écoutait, on écoutait… Un concept administratif aussi inoffensif que celui de « Communauté de communes » évoquant clairement une Assemblée de soviets aurait valu derechef à la France la réputation délicate d’une nation tentée de basculer dans le Camp communiste. 

Eh bien aujourd’hui, nous ne sommes plus dans la guerre froide, tout a changé, l’Europe s’est réunifiée, une bonne partie des anciens pays frères de la Russie soviétique a rejoint l’Union.

Mais les grandes oreilles, les grands yeux ne sont pas au chômage. Comme plus personne n’est clairement identifiable en ami du monde libre ou des communistes,  cela fait de chacun de nous un traître virtuel, un conspirateur ou peut-être un déserteur …

Un traître à quoi, à qui, un conspirateur contre quoi, contre qui, un déserteur de quoi, de qui ?

On n’en sait foutrement rien, mais en écoutant, on saura peut-être un jour. Et du coup, on enregistre tout le monde. La NSA n’est pas comme Sauron de Mordor dont l’œil de flamme captait le plus infime déplacement de l’anneau de pouvoir sur les Terres du Milieu. Car elle ne sait pas quel anneau la menacerait ou la fortifierait, mais elle possède ses orques et ses uruh-hai informatiques par milliers et milliers, surveillant les bigoudis de madame Marcelle ou les supporters de l’Atletico. Le monde a encore la simplicité spatiale d’un ring de boxe ou de catch, mais ce ne sont pas deux champions qui s’y affrontent, ce sont des dizaines, des centaines, des milliers d’équipes. Comment les cordes du ring ne vibreraient-elles pas en permanence ?…
C.C.

La grande fresque

Huile sur toile et matériaux divers – 210 x 280 cm – 2016

Ce tableau de grand format est traité comme une construction kabalistique. En fait il prend appui sur l’arbre séfirotique de la mystique juive. Selon cette dernière, Dieu se manifeste dans le monde et crée toutes choses à partir de rayonnements, d’émanations qui se condensent en dix sphères ou séfirot. Il existe des séfirot supérieures, des séfirot intermédiaires, des séfirot inférieures, ces séfirot sont rangées dans des colonnes droites, gauches ou centrales, mais toutes interagissent entre elles, selon une force qui n’est pas hiérarchique ou pyramidale, car aucune séfira n’est pensable en elle-même. L’énergie divine circule dans chacune d’entre elles mais aussi et surtout dans des colonnes que par commodité on appelle centrales. Ces colonnes ne sont pas issues de la résolution dialectique d’attributs antagonistes, rangés sur les colonnes de droite et de gauche, elles sont plutôt des forces de soutènement des contraires, des forces qui maintiennent la coexistence des contraires sans que tout l’échafaudage séfirotique s’effondre dans le chaos ou la folie.

Ainsi, la hokmah, la sagesse est-elle contre balancée par la binah, l’intelligence analytique, le hessed, la miséricorde, l’amour, par le din ou guevourah, la rigueur, la droiture, la justice mais il ne faut pas imaginer les séfirot centrales, daat pour les premières,  tiferet pour les secondes comme une solution intermédiaire où les qualités de droite et de gauche se mélangeraient en proportions équivalentes, produisant un breuvage plus fade. Car les contrariétés, les dualités des séfirot de droite et de gauche demeurent inchangées. L’amour est toujours aussi expansif et inconditionnel, la rigueur toujours aussi impitoyable. Mais hessed et din s’auto-limitent par la dynamique de la rencontre. Les séfirot ne trouvent pas leur apaisement dialectique dans une séfira hybride, mixte. Il faut concevoir la colonne centrale de l’arbre séfirotique comme la colonne de l’emtsa et cette emtsa comme l’invisible, fugitive, mais essentielle zone de collision des colonnes opposées, à la manière dont les faisceaux de particules accélérées entrant en collision produisent des formes éphémères de matière, les bosons, indispensables à la vie et aux échanges de la nature.

La colonne centrale est une colonne de diagonales tendues entre toutes les séfirot, ce n’est pas une colonne tiède ! De la séfira « supérieure », Keter, la couronne, à la séfira « inférieure », Malkhout, le royaume, l’énergie divine aura parcouru un trajet qui apparaît relativement court quand on représente l’arbre des dix séfirot selon un modèle géométrique, mais infiniment long et tortueux quand on songe aux innombrables aimantations et changements de vitesse du faisceau initial, quand il passe et zigzague dans le champs des tensions séfirotiques.

Etait-il possible d’imaginer le communisme sous cette forme?

Comment traversait-on l’Histoire, les diversités culturelles, les cristallisations nationales, les tempéraments, mœurs, caractères, psychologies vertigineusement innombrables des hommes, pour faire éclore, à partir de sa pure abstraction initiale, le royaume final du communisme, cette société sans classes, sans Etats, sans nations, qui avait toute l’allure d’un paradis terrestre. Un royaume qu’il est si difficile de concevoir que quand je tente de me le représenter, me vient en tête l’image de la paix de Picasso dans la chapelle de Vallauris, une joyeuse sérénade champêtre avec ses fifres, ses enfants jouant avec des cerfs-volants, ses déjeuners sur l’herbe, ses femmes dansant dans le ciel d’un bleu immaculé.

Keter, la couronne, la première émanation de l’idée communiste, d’où avait-elle germé ? Sans doute pas de l’observation de la nature ! La nature n’a créé aucune matrice communiste. Les loups dévorent les agneaux, les lions se repaissent de la chair des antilopes, les chats ne font pas de cadeaux aux oiseaux ou aux souris qu’ils ont capturés, la foudre calcine les arbres vénérables, la sècheresse anéantit les récoltes…

Peut-être la première ébauche communiste est-elle à rechercher dans la Genèse, au septième jour de la Création, quand Dieu se repose en son shabbat et que l’homme et la femme nouvellement créés n’ont pas encore franchi la porte du jardin. Mais de suite après, survient l’épisode de Caïn et Abel : la rivalité fraternelle, la terrible incapacité à partager équitablement les troupeaux et les champs, la discorde et la haine qui précèdent le meurtre !

Ou est-elle le lointain écho de la promesse messianique du chambardement inouï de la condition des créatures terrestres que décrit le prophète Isaïe ? Ou du tikkun des mystiques juifs qui voulaient assister Dieu dans la réparation du monde, après la brisure des vases et la dispersion des étincelles de sainteté ? Trop marginal, trop ignoré, trop hébraïque…

Ou bien encore du renversement matérialiste du paradis chrétien, le royaume de Dieu placé non plus dans le Ciel, mais sur terre. Saint Augustin, dans la Cité de Dieu (XIV, 28,1) écrit : «  Deux amours ont donc bâti deux cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, la cité de la Terre, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la cité de Dieu. »

La proto-pensée communiste aurait reformulé les mots de Saint Augustin ainsi : Deux amours ont donc bâti deux cités : l’amour de l’humanité jusqu’à l’oubli de Dieu, la cité de la Terre, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de l’humanité, la Cité de Dieu.

Ou bien non, rien de l’antique fermentation des religions monothéistes, rien du messianisme apocalyptique juif ou du grand amour chrétien n’aurait servi de prélude à l’idée communiste ! Peut-être qu’au fond, comme Marx l’avance, cette dernière n’est-elle qu’une idée très tardive de l’Histoire humaine, quand dans le sillage des révolutions bourgeoises qui ont détrôné de concert les rois et les dieux, des masses de prolétaires sont enrôlées dans l’industrie, arrachées à leurs pays, à leurs familles et ne peuvent désormais survivre qu’en vendant leur force de travail aux propriétaires du Capital.

Ou peut-être encore, la matrice du communisme est-elle à chercher au fond du cerveau primitif de l’homme, dans ces zones neuronales non sélectives qui forgent nos instincts primordiaux et nos reconnaissances fondamentales : l’instinct ultime d’appartenance à une espèce commune ?

Bref, Keter, la couronne !  La matrice.

Mais après, comment distinguer la hokmah et la binah communiste, la sagesse et l’intelligence ?

Passe pour l’intelligence ! On a du matériau, beaucoup de matériaux. Et des montagnes de textes : de l’Ethique de Spinoza au Capital de Marx, de la Critique sociale de Blanqui à Que faire de Lénine, des thèses sur le concept d’Histoire de Benjamin au Contrat social de Rousseau ou aux Chiens de garde de Nizan, chacun de nous peut apporter sa liste personnelle d’œuvres théoriques qui ont forgé de près ou de loin l’idée communiste, dès lors que l’on ne la confond pas avec sa dimension exclusivement bolchevique.

Et puis, dans la binah, on peut aussi compter sur l’apport de toutes les sciences humaines, de la psychologie, de l’anthropologie, de la sociologie… comme précieux auxiliaires analytiques.

Mais la sagesse ? Qu’est-ce que peut être la sagesse communiste ? Où faut-il la rechercher ?

Dans la littérature et l’art ? Combien d’œuvres communistes échappèrent-elles à la logique propagandiste ? Les fresques murales de Diego Rivera et les poèmes de Maiakovski ? Sans doute. Mais tout le reste, le Guernica de Picasso ou l’Affiche rouge d’Aragon, l’hymne à la liberté d’Eluard ou les Piliers de la société de Georges Grosz, ne sont-ils pas davantage les fruits de la résistance aux fascismes ou à la mesquinerie bourgeoise que l’illustration originale et absolument singulière d’un esprit communiste ?

Dans le respect des cultures mineures ou marginales, des minorités ? Ce n’est pas chez Kautsky, dont on a oublié l’influence idéologique considérable sur le communisme après la mort de Marx, qu’on peut trouver une telle disposition d’esprit. Kautsky rejeta catégoriquement toute forme de statut des apatrides ou des minorités sans Etat. Il bafouera la demande du Bund, le mouvement ouvrier juif en Europe de l’Est, d’incarner un véritable peuple, avec sa langue et sa culture, dans l’Internationale communiste. A quelques rares exceptions, Benjamin par exemple ou Derrida, esquissant le portrait très tardif d’une Nouvelle Internationale, la pensée « communiste » salua davantage la révolution industrielle bourgeoise et les puissants Etats que les cultures mineures ou traditionnelles, et fit plus confiance aux avant-gardes éclairées nourries de philosophie politique européenne qu’aux sagesses locales et forcément disparates des peuples.

De sorte que la balance intelligence-sagesse communiste nous apparaît, du moins a posteriori profondément déséquilibrée.

Si l’on « descend » les branches de l’arbre séfirotique, le hessed  communiste, l’amour de l’humanité enchaînée, des pauvres, des exploités, des proscrits, des humbles, des « petites gens » fut sans doute prodigieuse. Mais par une approche sectaire, partiale, obtuse du din, l’esprit bureaucratique, sacrifiant la subtilité et la nuance à son sommaire programme bureaucratique, sidéra le hessed.  La terreur, de Staline à Pol Pot, déferla sur le monde communiste. Les camps de concentration poussèrent partout, la liquidation des ennemis de classe, des artistes bourgeois, des « impérialistes » créa un univers de suspects et de délateurs, à tel point que la séfira médiane, Tiferet, l’harmonie, en fut pulvérisée. Une déesse en charpie !

Et quand l’avant-dernière sefira, Yesod, le fondement, la séfira majeure de la transmission, celle qui conduit à Malkhout, au royaume communiste, se fut remplie d’autant de désastres, de crimes, d’absurdités et de mensonges, elle fut prise de folie et tourna sur elle même comme une toupie, ne sachant plus quoi transmettre, plus quoi léguer aux générations futures. La transmission saccagée s’interrompit. Et Malkhout redevint un rêve vide, inaccessible…
C.C.